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Destruction of the Environment by Management: The Fight Against Nature
 
Commanster 
 


Fiche SIBW 235

Le marais de Commanster, joyau biologique à l'écart du temps

Créée dans le cadre du Programme Cigogne noire, la réserve RNOB de Commanster est un modèle du genre tant la biodiversité que l'on peut y observer est grande. Une escapade en Ardenne qui vaut le détour ...  

Pleine de traditions et d'histoire, l'Ardenne a traversé le temps en compagnie de l'homme qui lentement a modelé les paysages qui la caractérisent aujourd'hui. Au cours des dernières décennies, la pression humaine a augmenté et des activités d'un type plus industriel se sont développées avec souvent comme conséquence une détérioration du milieu naturel. Les équilibres en place depuis des siècles ont subi de profondes modifications et les zones très riches du point de vue biologique ont fondu comme neige au soleil ...

Jadis fauché par les agriculteurs locaux afin de produire le fourrage destiné à nourrir le bétail ou à constituer la litière, le marais de Commanster a progressivement été délaissé dès l'apparition des premières machines agricoles, trop lourdes pour ce type de sol constamment gorgé d'eau. Progressivement oubliée, cette zone humide a presque complètement échappé aux convoitises de l'homme moderne ce qui nous permet, printemps après printemps, d'encore observer ce spectacle fascinant que la nature nous offre.

Coticule et cherbins

La réserve RNOB se trouve à l'extrême nord de la province du Luxembourg sur le territoire de la commune de Vielsalm. Cette région est bien connue pour ses richesses géologiques et notamment le fameux coticule (cette pierre à rasoir unique au monde) et les "cherbins", ces ardoises faites de phyllades et qui recouvrent encore le toit de nombreuses vieilles bâtisses villageoises.

Juchée sur un haut plateau, la réserve RNOB créée dès 1990 s'étire principalement le long d'un petit ruisseau, sur une bande d'une centaine de mètres de large et longue de plus d'un kilomètre. Elle se fond dans un paysage typiquement ardennais avec ses villages, ses prairies agricoles et ses bois surtout constitués de résineux. Plusieurs autres réserves RNOB également créées dans le cadre du programme Cigogne noire se trouvent à quelques kilomètres seulement de ce site.

La tourbière : un autre monde

La réserve RNOB de Commanster est intéressante à bien des niveaux mais c'est surtout le botaniste qui trouvera ici de quoi assouvir sa passion. L'habitat le plus intéressant du site est sans aucun doute une tourbière de transition entourée d'une forêt de bouleaux et de saules sur sphaigne. Cette dernière s'étend sur près du tiers de la réserve qui totalise une surface de plus de 16 hectares. Lorsqu'on pénètre dans cette zone, on ressent l'étrange sensation de s'aventurer dans un autre monde, isolé de tout, inviolé depuis toujours et en parfait équilibre naturel.

Les tourbières ont constitué au travers des âges des refuges biologiques pour nombre d'espèces qui étaient très répandues jadis dans nos régions. Ces espèces trouvent aujourd'hui leur optimum dans des zones situées bien plus au nord (boréales), nettement plus élevées (montagnardes) ou beaucoup plus proches de l'océan (atlantiques).

Les plantes à caractère nordique ou nettement montagnard s'observent dans les trouées de la tourbière de Commanster là où la strate de bouleaux pubescents et de saules à oreillettes n'est pas trop dense. Citons plusieurs espèces de sphaignes, la canneberge, la trientale d'Europe, la linaigrette à un seul épi ou à plusieurs épis.


Le trèfle d'eau
 

La tourbière comprend également différentes espèces dont la présence est liée à l'importance des précipitations et à l'humidité élevée toute l'année. On notera la bruyère quaternée, la narthécie aux fleurs jaune vif ainsi qu'une petite plante carnivore éparpillée sur le tapis de sphaignes, le rossolis à feuilles rondes. De très nombreux petits ruisselets naissent au sein même de la fagne, ils alimentent le ruisseau qui longe la réserve. A son tour, il se jette dans un cours d'eau plus important, le Glain.

Sans décrire en détail les autres formations végétales de ce marais, soulignons la présence d'autres plantes remarquables : le genévrier, le nard raide, le fenouil des Alpes, le géranium des bois, l'orchis maculé et l'orchis à larges feuilles, de nombreuses espèces de laîches, la wahlenbergie, le comaret ou le trèfle d'eau (ci-contre), cette superbe plante qui, en période de floraison, constitue ici un tapis flottant rose très dense.

 

Un milieu favorable à de nombreux animaux

Une multitude d'insectes butinent les nombreuses fleurs des prés à angélique et à renouée bistorte. Les connaisseurs de papillons pourront identifier beaucoup d'espèces dont le tacheté, le procris, le tristan ou le nacré et le cuivré de la bistorte (ci-contre).

De par son isolement, ce site convient presque à tous les grands mammifères qui fréquentent cette partie de la forêt ardennaise. En hiver, sur la neige fraîche, vous n'aurez aucun mal à observer les traces du chevreuil, du renard ou du blaireau. Le sanglier et le cerf sont rarement observés dans cette partie de l'Ardenne; par contre, le chat sauvage s'est laissé surprendre une fois dans la réserve qu'il fréquente certainement très régulièrement.

 


Le cuivré de la bistorte

     

La bergeronnette printanière
  La réserve procure le gîte et le couvert à une multitude d'oiseaux. Hormis les espèces courantes, on y observe la pie-grièche grise, la bergeronnette printanière (ci-contre), le bruant des roseaux, la fauvette grisette et très certainement le sizerin flammé. Une zone dégagée du site est particulièrement attractive pour le traquet tarier que nous espérons, au moyen de gestions répétées et appropriées, revoir à nouveau nicher dans ce vallon.

Gestion : des résultats encourageants

Depuis 3 ans, nous avons réalisé grâce à l'aide de bénévoles, plusieurs journées de gestion, principalement consacrées à l'élimination des épicéas et au débroussaillage des bouleaux et des saules. Les résultats sont très encourageants avec une recolonisation rapide et généralisée de nombreuses plantes de grande valeur biologique y compris les sphaignes. Cela confirme la grande potentialité de ce site. Trois contrats d'entreprise sont actuellement en cours avec des fermiers voisins concernant un pâturage extensif ou des fauches tardives.

 

Le texte ci-dessus, signé du conservateur Philippe Collas,  est paru dans le numéro d'avril 1996 du magazine Réserves Naturelles. Depuis lors, la surface de la réserve a été portée à plus de 20 hectares.



Images et textes © RNOB

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